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1. Bienvenue a la grande exposition sur la géométrie des noeuds!
Les noeuds font tellement partie de notre univers familier que nous
n'y
prêtons plus attention. Mais les mathématiciens ont découvert
que
l'étude des noeuds, même les plus simples, les projette
dans des espaces
inimaginables. Ce film vous convie à une visite guidée
du monde des
noeuds, du point de vue des mathématiciens. En voiture!
Cette tige tordue en forme de 8 peut-être détordue, car
ses extrémités
sont libres. Pour un mathématiciens, il ne s'agit pas d'un noeud.
Mais
si on raccorde les extrémités, on obtient une courbe
fermée qu'il est
imossible de dénouer sans la couper, c'est cela un noeud.
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7. Voici trois noeuds enlacés. Si on en enlève un, les
deux autres
peuvent être séparés et dénoués.
Les mathématiciens appellent "entrelac"
l'union de plusieurs courbes fermées. En déformant cet
entrelac, nous
allons voir que les trois courbes jouent des rôles équivalents.
9. Voici une version plus symétrique du même entrelac.
On l'appelle les
anneaux borroméens.
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11. Quand on regarde un noeud, en général on ignore l'espace
qui
l'entoure. Mais pour un mathématicien, l'espace qui entoure
le noeud est
tout aussi important que le noeud lui-même. Ainsi, il est plus
facile de
comprendre quelque chose en étudiant son contraire (ce qu'il
n'est poas
?)
On appelle complémentaire d'un objet les points de l'espace restant
quand on enlève l'objet. Donce ce qui n'est pas le noeud est
son
complementaire.
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15. Que reste-t-il lorsqu'on enlève un noeud de l'espace à
3 dimensions
? Que reste-t-il quand on ne peut pas voir le noeud, non pas parce
qu'il
y a pas de matière à cet endroit, mais parce que l'espace
ne s'étend pas
jusque là ?
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17. Commençons par une situation plus simple : quel effet cela
ferait-il
de vivre dans un espace auquel une droite a été retirée
? ou dans un
plan auquel un point a été enlevé ?
19. On enlève le point en le tirant vers le haut. Celà
déforme le plan
en un cône de plus en plus pointu. Finalement, le point disparaît
à
l'infini et le cône devient un cylindre. Le point au sommet du
cône est
spécial : on l'appelle point cônique.
21. Lorsque le sommet du cône s'élève, le rayon
d'un cercle qui entoure
le sommet augmente, alors que sa circonférence ne change pas.
Cependant,
pour un observateur extérieur placé au-dessus du sommet,
rien ne change.
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24. Imaginons un observateur interne, qui vit sur la surface du cône.
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26. Pour cet observateur, les rayons lumineux voyagent en ligne droite.
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29. Pourtant, ces rayons lumineux s'enroulent le long du cône.
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31. Pour comprendre ce que voit l'observateur interne, imaginons que
le
cône est fait de papier, découpons le et déroulons
le sur un plan.
Dérouler ne déchire pas le papier. Par conséquent,
les lignes droites du
point de vue de l'observateur interne deviennent des lignes droites
dans
le plan.
33. Ce secteur plan est un patron pour la fabrication du cône
(les
mathématiciens parlent de "domaine fondamental"). Les deux découpes
deviennent une seule ligne sur le cône. Tout ce qui croise une
découpe
réapparaît sur l'autre.
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38. Voici une autre différence entre la surface d'un cône
et un plan.
Dans un plan, par deux points passe une seule droite. Mais sur un cône,
il peut y en avoir plusieurs. Il peut même existe une ligne droite
passant deux fois par le même point.
Passons maintenant de 2 à 3 dimensions. Construisons un objet
à 3
dimensions en empilant nos cônes.
La pile de points côniques forme une droite appelée axe
cônique. Le
domaine fondamental pour cet espace est un secteur solide.
Notre observateur interne voit plusieurs exemplaires de la voiture
simultanément. Laquelle est la vraie ? Elles sont toutes également
vraies. Ce sont les rayons lumineux issus de la voiture qui atteignent
l'observateur dans des directions differentes.
Revenons à notre question : "Quel effet cela fait-il de vivre
dans un
espace dont une droite a été retirée, ou sdans
un plan dont un point a
été enlevé ?"
Lorsque l'angle au sommet du cône varie, l'espace qui nous intéresse
varie. Parfois, les domaines fondamentaux en forme de secteur s'ajustent
exactement comme les pièces d'un puzzle, et on obtient une figure
symétrique. Quand un nombre n de domaines fondamentaux s'ajustent
autour
de l'axe cônique, on dit que cet axe possède une symétrie
d'ordre n.
Lorsque l'ordre de symétrie augmente, l'axe disparaît au loin.
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41. A la limite, l'axe a disparu à l'infini. L'observateur interne
voit
une file infinie de voitures, c'est la même voiture mais vue
à travers
des rayons lumineux qui ont suivi des trajets différents.
Notre patron, ou domaine fon damental, est devenu une plaque infinie,
et
le cône est devenu un cylindre. Voila à quoi ressemble
la vie dans un
espace duquel une droite a été retirée.
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43. Passons à la question "Quel effet cela fait-il de vivre dans
un
espace auquel les anneaux borroméens ont été retirés
?" Plaçons 6 axes
côniques possédant une symétrie d'ordre 2 le long
des fac ettes d'un
cube. Ce cube sera le domaine fondamental de notre nouvelle expérience.
45. Essayons de sentir de l'intérieur à quaoi ressemble
cet espace.
Rappelons nous que les parois du domaine fondamental attachées
à un axe
de symétrie doivent être identifiées deux à
deux. Commençons par
recoller les parois con tenant les axes rouges, puis effaçons-les
car
elles ne sont plus nécessaires. Remarquez que les axes bleus
se
rejoignent pour former une ellipse.
Maintenant, recollons les parois contenant les axes verts. Les axes
rouges se rejoignent alors pour former à leur tour une ellipse.
Nous
avons plié le long de 4 des axes initiaux, et obtenu un ellipsoïde.
Il
reste à plier le long des axes bleus, qui maintenant forment
une
ellipse.
Pour cela, nous gonflons les hémisphères antérieure
et postérieure de
l'ellipsoïde. Les axes verts à leur tour se rejoignent
pour former une
ellipse verte.
48. Qu'avons nous obtenu ? Les anneaux borroméens!
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50. Vu de l'extérieur, notre domaine fondamental est le complémentaire
des anneaux borroméens. Mais qu'en penserait un observateur
interne ?
Rappelons-nous que, autour de chaque axe cônique, l'observateur
voit
deux copies de chaque objet. Commençons par montrer l'effet
dédoublant
des axes rouges : l'objet placé dans le domaine fondamental
initial est
dupliqué dans un cube voisin par l'axe de devant, et les deux
images
sont dupliquées par l'axe de derrière, etc... et on obtient
une infinité
de copies alignées du cube.
Ensuite, examinons l'effet des axes verts. Ils créent une seconde
rangée
infinie de cubes, puis 4 rangées, et ainsi de suite. On obtient
une
couche horizontale infinie de cubes.
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Enfin, les axes bleux dupliquent cette couche. L'espace entier se trouve
rempli de cubes. Voilà l'impression visuelle qu'a un obsevateur
vivant
dans l'espace créé par les six axes d'ordre 2 placés
sur les facettes
d'un cube.
52. Essayons d'imaginer ce qui se passe lorsque les axes borroméens
ont
un ordre de symétrie plus élevé. Par exemple,
si on souhaite des axes
d'ordre de 4, on doit construire un domaine fondamental possédant
des
angles de 90° le long de ces axes.
Il faut modifier le cube de sorte que les angles le long des six axes
deviennent 90°. C'est impossible ? Pas en géométrie
hyperbolique, ou
Lobatchevskienne. En perspective hyperbolique, les angles entre facettes
adjacentes dans ce dodécaèdre valent tous 90°.
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54. En vue plongeant le long d'un axe rouge, on voit que les facettes
se
coupent à angle droit. On peut juxtaposer 4 exemplaires du dodécadèdre
autour de cet axe. Un observateur interne constate une symétrie
d'ordre
4. Avant de poursuivre l'exploration, effeçons les parois et
modifions
la forme et la couleur des axes, représentés par des
poutres.
Continuons à ajouter des exemplaires du dodécaèdre
autour de chaque axe
coloré. Faisons le d'abord pour quelques uns des axes verts,
bleus et
rouges. A terme, les dodécaèdres vont remplir tout l'espace
sans se
chevaucher. Nous avons pavé l'espace hyperbolique par des dodécaèdres
réguliers, exactement comme l'espace ordinaire est pavé
par des cubes.
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60. Promenons-nous dans l'espace hyperbolique, pour affiner notre
intuition. Remarquez a quelle vitesse les dimensions apparentes varient
au cours du déplacement. C'est la principale différence
qualitative
entre notre espace de tous les jours et l'espace hyperbolique. Voilà
l'effet que cela fait de vivre dans l'espace créé par
des axes d'ordre
de 4 le long des arêtes d'un dodécaèdre.
En ajustant les angles des axes colorés, on passe de la symétrie
d'ordre
4 à la symétrie d'ordre 5, 6...etc. Remarquez que lorsque
l'ordre de
symétrie augmente, les axes colorés du dodécaèdre
deviennent très courts
et sont de plus en plus éloignés. A la limite, les axes
rouges, verts et
bleus ont disparu à l'infini!
Le polyèdre obtenu s'appelle un dodécaèdre rhombique.
63. Les six axes colorés sont devenus six sommets à l'infini.
Pour mieux
comprendre ce nouvel espace, nous ajoutons des parois transparentes
à
l'un des polyèdres et tournons autour de son centre. Lorsqu'un
sommet à
l'infini passe derrière notre oeil, des motifs interessants
apparaissent.
Vu de l'intérieur du dodécaèdre rhombique, l'entrelac
est infiniment
loin, si bien que la lumière ne l'atteint jamais. C'est l'image
définitive du complémentaire des anneaux borooméens
: nous avons réussi
à courber les rayons lumineux de sorte qu'ils ne coupent plus
l'entrelac.
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67. Cette géométrie s'appelle une structure hyperbolique
sur le
complémentaire de l'entrelac. D'après des théorèmes
de Mostow, Marden et
Prasad, un complémentaire d'entrelac admet au plus une structure
hyperbolique. Un théorème de Thurston affirme que le
complémentaire de
tout noeud ou entrelac (à part des exceptions simples à
décrire) admet
une structure hyperbolique.
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70. C'est pourquoi on peut dire qu'un noeud ou un entrelac est
entièrement déterminé par une figure comme celle-ci.
Ceci termine notre visite guidée. Ce n'était qu'une incursion
dans la
façon dont les mathématiciens raisonnent sur les noeuds,
les entrelacs
et l'espace qui les entoure.